Léger, futile et profond à la fois…

bibliotheque-alphabetIl est ainsi des mots, lorsqu’ils s’empilent jusqu’à faire des phrases. Parfois légères et futiles, parfois profondes et nécessaires… comme un jour sans blog !
Ces mots, la fameuse « matière » de Françis Ponge est le quotidien de deux personnes pour qui j’ai beaucoup d’affection. L’un est un ami, l’autre une relation amicale. Subtil distingo qui n’entame en rien les sentiments, mais qui caractérise une proximité physique. L’un vient de publier son premier livre au Cherche-Midi, l’autre chez Grasset. Les deux sont en tête de gondole et dans ma bibliothèque…

Goutte*

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« Une goutte à la mer. Récifs et divers. » était déjà une réussite avant même d’être livré sur le stand du Cherche-Midi au dernier Salon du livre de Paris. Pensez donc. Un auteur inconnu, un manuscrit envoyé au gré des vents porteurs, des textes entre poésie, jongleries de mots et regard doux amer sur le monde, tous les ingrédients de l’auteur maudit, à contre courant du temps, obligé au compte d’auteur.

Il a suffit d’un rendez-vous pour que l’éditeur signe le contrat. « A partir du moment où l’on considère les mots comme une matière, il est très agréable de s’en occuper », écrivait le poète du siècle dernier Françis Ponge dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler sur ce blog. Une phrase que Le Cherche-Midi revendique comme sienne.

Ce livre atypique (tant par son format, sa mise en pages qui épouse le texte, le papier employé et les jeux sur les mots qu’il véhicule) est en train de se faire sa place au soleil des amateurs de sonorités et de jongleries. L’auteur, Jean Hansmaennel, est au fil des mots et du temps, devenu un ami. Parler de son premier livre, « Une goutte à la mer » lui pendait donc au nez… Nous partageons parfois un éclair de folie, souvent retranscrit sous forme de courriels où la réplique doit fuser dru, en jouant avec les sons et les mots, en double ou en triple sens.

« Une goutte à la mer » se lit facilement, d’un premier regard. Mais il mérite de s’y replonger, voire de tenter d’en déchiffrer l’organisation au cordeau des mots. Parfois, on y croise Prévert qui court d’un chapitre à l’autre. Parfois, au détour d’un mot, une scène de la vie quotidienne que l’on fait sienne, ou un sourire tant la situation est ubuesque.

Entre deux textes, souvent écrits dans les TGV, avions et autres taxis, Jean compose aussi des chansons et manage un groupe qui oscille entre swing et rock, « Fred hamster et les scotcheurs ». Ils viennent de faire la première partie de Sansévérino ! Artiste polymorphe, Jean a aussi un métier (eh oui !) puisqu’il dirige la communication d’un groupe d’agroalimentaire aux marques synonyme de convivialité. Mais ne le répétez pas, car lui n’a pas le « blues du business man » !

« Il vaut mieux

Commencer

Par lire

Les lignes

Avant

Que de vouloir lire entre »

C’est le dernier texte du livre. Du plaisir, du plaisir…

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Couverture

Un écrivain

A la mode

Est un homme

A la page

ToutparisCet texte de Jean Hansmaennel va comme un gant en pécari à Bertrand de Saint Vincent, grand reporter au Figaro. On l’a connu couvrant les fronts agités du monde, puis journaliste politique et aujourd’hui chroniqueur des soirées parisiennes dans le supplément « Et vous » du Figaro. Son premier livre « Tout Paris » est un recueil de ses chroniques au regard amusé et caustique à la fois (et même de textes coupés au montage du Figaro comme cette remarque sur l’actrice Carole Bouquet : « Elle est de ces êtres qui, lors d’une conversation menée dans le salon de leur maison de la Villa Montmorency, sont capables de s’indigner avec flamme du sort des sans-abri tout en observant d’un œil hautain le maître d’hôtel qui jette une bûche dans le feu. Une artiste ; on ne lui jettera pas la bûche. »). Mais Bertrand a gardé de son enfance une éducation qui lui interdit la méchanceté, mais autorise les bons mots, les chutes savoureuses et une certaine distance. De celle des comédiens qui, en lisant Shakespeare, ont compris que « Le monde entier est un théâtre et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles. »

J’ai fait la connaissance de Bertrand durant la dernière campagne des municipales à Lyon. Le Figaro l’avait envoyé couvrir la victoire annoncée de Gérard Collomb et décrypter comment une ville de droite modérée pouvait se laisser aller avec plaisir dans les bras d’un homme adroit, mais néanmoins de gauche. Je me souviens d’un repas au Garet où Bertrand, bien élevé, picorait une tranche de saucisson avant de se découvrir, au fil de la fourchette, une âme de Grandgousier ! Sous le masque du journaliste bien né et bien éduqué, l’observateur attentif du monde et des mondes perçait. Un regard interrogateur, parfois insouciant, captant l’essence même du sujet à partir de la pâte humaine. Nous sommes restés depuis en contact. A travers ses chroniques, mais aussi par courriel. Il faudra d’ailleurs que je vérifie, rapidement, si sa fourchette est restée alerte !

De ces presque 500 pages, on en retire un regard doux amer, tantôt amusé ou cynique, sur un monde qui n’est pas le nôtre et où le spectacle se donne et se paye. Bertrand nous fait partager un vernissage, une pièce de théâtre, une avant-première, un dîner en ville ou un gala, « certain sortent des titres qui évoquent l’histoire, d’autres ont oublié la leur », « certaines sont plus couturées qu’une robe. Elles mènent une guerre sans fin aux années qui passent ». Un monde où le futile semble l’emporter alors que sous les masques percent souvent les fêlures et l’ennui.

« Désormais, je siège, presque chaque soir, en toute simplicité, convivialité et parfois même amitié, à la table de ceux dont j’évoque quotidiennement les mœurs hautement civilisées. C’est une manière d’écrire l’histoire de France qui me convient. » Certaines des chroniques de Bertrand peuvent paraître aussi légères que des bulles d’un Dom Pérignon rosé millésimé. Mais, réunies en un livre, elles sont aussi fines qu’une étude sociologique. Une grande pièce de la comédie humaine à laquelle nous assistons au premier rang. Et il n’est pas interdit d’applaudir l’auteur. Pour ce qui est des comédiens…

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« Une goutte à la mer. Récifs et divers » de Jean Hansmaennel, au Cherche Midi. 13 euros.

« Tout Paris » de Bertrand de Saint Vincent, chez Grasset. 21,50 euros.

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