NIMBY ou NIMEY, des UMP ont choisi…

Nimby

Demain, Lyon connaîtra une conférence de presse politiquement surréaliste : 3 parlementaires Les Républicains du Rhône prendront officiellement position, avec le leader des Ecologistes au conseil régional, contre une décision « néfaste » (sic) de Laurent Wauquiez, es qualité Président Les Républicains de la région Auvergne-Rhône-Alpes… En jeu : la future A45 !

 

La contestation des grands projets d’infrastructures n’est pas une nouveauté en France. Elle débute dans la seconde moitié des années 1970, dans la prolongation de mai 1968, avec l’extension d’un camp militaire au Larzac et la construction d’une nouvelle centrale nucléaire en Bretagne, à Plogoff.

Depuis, la France a connu une inflation des controverses et des mobilisations contre les projets les plus divers : autoroutes, porcheries, aéroports, TGV, hypermarchés, espaces de loisirs, éoliennes, etc. Les syndromes « NIMBY » (Not In My BackYard, pas dans mon jardin) ou « NIMEY » (Not In My Electoral Yard, pas dans ma circonscription) sont légions.

En l’occurrence, il s’agit de l’opposition locale à l’implantation ou au développement d’infrastructures, en raison des nuisances probables ou supposées que ces installations pourraient engendrer. Les arguments des opposants tournent généralement autour de préoccupations personnelles comme baisse de leurs valeurs foncières et immobilières ou la dégradation de leur cadre de vie, mais aussi de l’inutilité économique de l’investissement projeté, de l’écologie, du respect des caractéristiques territoriales et régionales, du « vivre et travailler au pays ».

La liaison ferroviaire Lyon-Turin et l’aéroport Notre-Dame-des-Landes sont ainsi au cœur de polémiques nationales voire européennes.

Les habitants, la plupart du temps des riverains, tirent bien sûr parti de tous les éléments à leur disposition pour s’efforcer de mettre l’intérêt général de leur côté, y compris le soutien des élus locaux. Les inconvénients et les risques des projets sont systématiquement mis en avant, certains n’hésitant pas à estimer qu’en contestant le plus fort possible, l’État ou les collectivités finiront par faire des gestes supplémentaires pour régler ou compenser le problème.

L’ampleur et les modalités de la mobilisation dépendent certes du contexte, mais aussi de la mobilisation à l’extérieur du territoire pour en faire, à plus ou moins brève échéance, un enjeu national avec l’inscription du projet sur la liste noire des altermondialistes et écologistes radicaux. Le graal des militants « alter » étant la création d’une ZAD, une zone à défendre. La lutte devenant alors nationale et échappant aux habitants, pris dans un système politique qui leur échappe.

Un point important, la contestation est souvent plus forte dans les territoires où sont présents des néoruraux, du tourisme vert, des activités de terroir. Un peu comme cette A45…

 

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Mais de quoi s’agit-il ? D’abord d’un serpent de mer politique ! La déclaration d’utilité publique du projet d’A45 date d’il y a 23 ans… (pour mémoire le premier coup de pioche de Notre-Dame-des-Landes datait de 1963 !).

L’A45 est censée relier dès 2020, en une demi-heure, Lyon à Saint-Etienne (plus précisément Brignais et la Fouillouse) et venir ainsi désengorger l’actuelle A47, une autoroute vétuste fréquentée par plus de 100 000 voitures par jour et en permanence saturée. Pour André Mounier, à la tête de la délégation Loire Sud de la CCI Lyon métropole Saint-Etienne Roanne, « L’objectif est d’avoir une liaison directe et sûre entre Lyon et Saint-Etienne, il n’y a pas d’autre alternative. La réalisation de l’A45 doit être un investissement prioritaire pour notre territoire et notre métropole. » Un investissement qui représentera 1,2 milliards d’euros sur 5 ans et 1 700 emplois.

Le président Les Républicains du département du Nouveau Rhône, le député Christophe Guilloteau est historiquement un opposant au projet. En septembre 2015, il avait même affirmé qu’il utiliserait « tous les moyens légaux de recours » pour l’empêcher. Il est rapidement rejoint par le député Les Républicains Georges Fenech, l’A45 s’invitant sur sa circonscription.

L’Etat, qui est censé confirmer son engagement financier d’ici à fin avril, a prévu d’apporter 430 millions d’euros, Saint-Etienne Métropole et le Conseil départemental de la Loire 432 millions d’euros. Le président de la région (et également député) Les Républicains Laurent Wauquiez vient d’annoncer une dotation de 100 millions d’euros mettant ainsi le feu aux poudres. Et pourtant, lors de sa campagne des régionales, Laurent Wauquiez avait réaffirmé tout son soutien au projet. Même dans une réunion privée des élus à Meyzieu. Mais Fenech et Guilloteau devaient être absents…

Pour sourire, le 19 janvier 2012, Nicolas Sarkozy, encore Président de la République, annonçait à Lyon qu’il donnait son feu vert à l’A45. Nicolas Sarkozy, le champion pour les Primaires des 3 parlementaires cités. Comme quoi, la vie de famille n’est pas simple !

Attention, cependant, à ne pas réduire ces oppositions à la seule montée d’égoïsmes locaux. Pas dans mon jardin est réducteur…

 

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Les grands dossiers d’infrastructures sont tous d’abord des dossiers politiques avant de devenir des dossiers économiques.

Un projet, si bénéfique soit-il pour un territoire, ne peut plus se résumer en chiffres et en incantations. Alors même que le marché  de l’emploi est dégradé,  l’argument économique d’un projet mesuré au nombre d’emplois créés n’est paradoxalement plus un argument susceptible d’entraîner une adhésion inconditionnelle (cf le projet de Center Parc de Roybon dans l’Isère).

Si les différents intervenants du monde patronal ont raison sur le fond, mettant en avant la dimension économique : facilités de transport, emploi, investissements…, ces arguments destinés au cortex ne sont rien face à des arguments moins désincarnés qui s’appuient sur la qualité et le cadre de vie, la protection de l’environnement et d’un terroir… A fortiori, comme je l’écrivais plus haut, dans les territoires où sont présents des néoruraux, le tourisme vert, des activités de terroir…

L’argument d’autorité se retourne généralement contre son auteur. Il déclenche l’entrée dans une guerre de communication et d’interpellation de l’opinion publique, qui dans la majorité des cas devient défavorable au projet. L’éternelle lutte entre le cerveau limbique (siège des émotions) et le cortex (siège de la réflexion). Le limbique gagne toujours !

Tout projet est donc voué à l’échec ? Fort heureusement non, mais la manière d’aborder le montage du dossier, sa présentation, son intégration dans un territoire est un travail de longue haleine.

C’est aussi et surtout l’acceptation d’un changement de positionnement stratégie : ne plus être dans la recherche de l’acceptation par conviction d’avoir raison, mais par le dialogue et la compréhension mutuelle de ses fameuses parties prenantes à géométrie variable. Plus qu’une posture, c’est un véritable travail d’instauration de la confiance auquel il faut se consacrer pour créer une coalition autour du Oui.

D’ailleurs, les dossiers polémiques générant une forte hostilité au départ, peuvent devenir des sujets de satisfaction, voire de fierté avec le temps. Le viaduc de Millau, est aujourd’hui un élément du capital touristique de la région et un facteur de revitalisation de Millau et des environs.

Il n’empêche que l’irruption dans les débats de l’écologie radicale vient complexifier la communication. Sous prétexte de préserver le vivant, ses partisans veulent le figer. Ils sont dans une nouvelle forme de conservatisme qu’ils expriment dans leur obsession à préserver les paysages et l’environnement de tout changement. D’une certaine manière, ils mettent sous cloche le vivant !, comme le soulignait Thibaut De Jaegher, directeur de la rédaction de l’Usine Nouvelle en septembre 2014.

Ces contestations marquent aussi un changement d’ère en matière de démocratie. Localement, ces grands projets ne sont pas acceptés car ils ont rarement été choisis par les populations « du cru ». Ces dernières ne comprennent pas leur fondement, souvent « déclaré d’utilité publique » à leur insu. Cette incompréhension naît généralement parce que les habitants n’ont pas été associés en amont au projet, dès la phase de conception. C’est en tout cas le sentiment qu’ils ont, à tort ou à raison, malgré les efforts réalisés par l’État et les collectivités via la fameuse enquête d’utilité publique.

La réalité est que ces enquêtes n’impliquent que peu de monde car elles donnent aussi l’impression de « valider » un projet déjà bien avancé. Les pouvoirs publics et promoteurs privés vont donc devoir apprendre à parler vraiment avec toutes les parties prenantes. Leur donner la parole, les considérer c’est-à-dire leur donner prise sur la réalité, leur environnement pour in fine dégager un authentique consensus. Cela prend du temps ? Sans doute, mais pas autant que celui qui est perdu à maîtriser les guérillas qui se mettent en place une fois les projets proches de sortir de terre.

En attendant, demain samedi à 11h30, la guérilla politique prendra une autre tournure entre les « conservateurs » et les « réformateurs ». Georges Fenech, député du Rhône, Christophe Guilloteau, député du Rhône et président du Conseil départemental, Catherine Di Folco, sénatrice du Rhône et maire de Messimy, Renaud Pfeffer, 1er vice-président du Conseil départemental et maire de Mornant, tous adhérents des Républicains, convoquent avec Jean-Charles Koolhass, leader des écolos au conseil régional, une conférence de presse sur le thème : « Face à la volonté néfaste du Conseil régional Auvergne/ Rhône-Alpes de s’engager sur le projet d’autoroute A45

Néfaste Nul doute que les oreilles de Laurent Wauquiez vont siffler à cette occasion. Une affaire à suivre !

 

Ci-dessous le texte de l’invitation à la conférence de presse

CONFÉRENCE DE PRESSE AU CLUB DE LA PRESSE, 5 rue Pizay – Lyon 1er:

SAMEDI 12 MARS à 11h30:

« Face à la volonté néfaste du Conseil régional Auvergne/ Rhône-Alpes de s’engager sur le projet d’autoroute A45″

Georges Fenech, Député du Rhône,
Christophe Guilloteau, Député du Rhône et Président du Conseil départemental,
Catherine Di Folco, Sénateur du Rhône et Maire de Messimy,
Renaud Pfeffer, 1er vice-président du Conseil départemental et Maire de Mornant,
Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional,
Bernard Servanin, Président d’Alcaly
et de nombreux maires et élus

 

Les Commentaires ( 3 )

  1. de gnafron
    posté le 11 mar 2016

    Cette situation fait irrésistiblement penser à l’excellente mini-série « show me a hero » (par l’auteur de the Wire et Treme), où le « héros », après l’avoir combattu et quoi qu’étant démocrate, doit faire passer à sa majorité (laquelle change) un programme immobilier de logement social pour lutter contre les ghettos noirs. Évidemment les intérêts particuliers et les élus qui les soutiennent tentent d’interrompre ce projet, d’utilité publique et imposé par « la justice » . (on est en banlieue de New-York). Spéculation immobilière, accords et désaccords politiciens, manque de vision de l’intérêt public … A voir et à méditer…

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  2. de Abel Gago
    posté le 11 mar 2016

    Je savais depuis longtemps, en bon vieux Rocardien, qu’il y a des gens bien et des cons partout, dans tous les partis comme dans toutes les « églises ». Je confirme que , de mon point de vue, tu fais partie des premiers Eric et je souscris entièrement à ton analyse fine et nuancée. Il est en fait plus facile de désigner des coupables que de proposer des solutions, de critiquer que de proposer ou de créer… en assumant le risque de la critique, y compris pertinente parce qu’il y a peu de créations « parfaites » qui associent équitablement le coeur et la raison
    Merci, en ces temps de crise, de ne pas désespérer
    Amicalement
    Abel Gago

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  3. de Raffin
    posté le 22 sept 2016

    La construction d’autoroutes, jusqu’aux années 90, est allée de pair avec l’accroissement du parc automobile. Depuis ce début de siècle le parc automobile ne croit plus, les ventes de véhicules d’occasion dépassent les ventes de véhicules neufs, preuve que les km parcourus par automobile sont moins importants (si on fait 30000 km par an, en général on achète du neuf). Ces constatations devraient conduire à une politique de maintien et d’entretien du réseau existant, mais le terme de raisonnable ne semble pas faire partie du vocabulaire de Laurent Vauquier.

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