Désenchantés ?

desenchanteeUn mot s’impose : désenchantés ! Les Français sont désenchantés, à l’instar des paroles de Mylène Farmer dans son tube éponyme…

Qui pourrait m’empêcher
De tout entendre
Quand la raison s’effondre
A quel sein se vouer
Qui peut prétendre
Nous bercer dans son ventre

Qui peut donc prétendre nous bercer dans son ventre ? La question est posée…

A en croire les médias, les Français qui se réunissent chaque soir place de la République à Paris et dans certaines villes de France préfigurent un « Podemos » (nous pouvons) à la sauce hexagonale. Pas si sûr… On est plutôt dans « et si j’avais un marteau » pour certains (histoire de cogner sur les visiteurs illégitimes ou sur les CRS c’est selon) et « J’ai rêvé d’un autre monde »…

Cet OPNI, pour objet politique non identifié, est clairement marqué à gauche de la gauche. Parti de la lutte contre la loi El Khomri, ces français, souvent jeunes diplômés déclassés et urbains, en sont à convoquer la Constituante pour refonder la démocratie ! Car c’est bien la classe politique et ses mécanismes de survie qui sont ici mis en question. On est là pour contester, déconstruire et reconstruire. Enfin, avec des mots et bien peu d’actes, si ce n’est manqués. On est encore bien loin du Faire…

Leur tentative d’internationaliser leur mouvement, avec la complicité d’activistes de tout poil dans d’autres pays européens, est symptomatique des mouvements contestataires à l’image du réseau issu des 6 dernières éditions du Forum Social dont le crédo est de « construire un monde d’égalité et de solidarité ».

 

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Autre OPNI, la « primaire des Français ». Assemblage hétéroclite dans lequel on trouve « Bleu Blanc Zèbres » d’Alexandre Jardin, adeptes des faiseurs par rapport aux diseurs, CAP 21 de Corine Lepage, revenante qui n’en finit pas de vouloir revenir, « Nous Citoyens » dont on ne sait plus qui est le « nous » depuis le départ de Denis Payre, « La Transition » du communiquant médiatique Claude Posternak (les Primaires du PS c’est lui) ou encore le « Pacte civique » de Jean-Baptiste de Foucauld qui veut inventer « un futur désirable ».

Ils ne sont pas d’accord sur tout, mais ils s’accordent sur  un point : les Français ne se retrouvent plus dans l’offre politique traditionnelle. Dès lors, une seule solution : la révolution citoyenne en remplaçant la classe politique par des élus issus du terrain, et dont l’objectif principal ne serait plus leur réélection mais le service de l’intérêt général. On a dépassé la Nuit du 4 août, la guillotine est prête. Utopique sûrement, mais ne sommes-nous pas un peuple réputé révolutionnaire ?

Ils annonçaient sur Canal + un objectif à 500 000 signatures il y a quelques semaines. Leur site a, dans la foulée, fait un burn out, la maladie du siècle.

Depuis, à en croire leur site internet, l’objectif est passé à 75 000 avec, à l’heure où j’écris ces lignes, 50 964 soutiens. Pari (bien révisé à la baisse) en passe d’être gagné ! Ce sera l’occasion d’un beau cocorico médiatisé, surtout si on le compare aux 240 000 adhérents des Républicains et aux 130 000 du PS (chiffre des organisateurs comme on dit dans ces cas là).

 

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Face à la tripartisation de la vie politique, l’émergence (pour combien de temps) de ces mouvements sonne comme un avertissement et une promesse. Même si les plus vieux d’entre nous se souviennent que, de manière régulière, la société civile se réveille et tente de prendre le pouvoir. Cela semble inédit, mais la mécanique est ancienne.

Retenons cependant que ces bourgeons fragiles vont cette fois de pair avec un échec patent des partis traditionnels à proposer des méthodes innovantes, des idées fraiches, du sang neuf, un sens, un objectif et une vision. Comme si tout était pourri au royaume de la démocratie participative.

Etienne Blanc, vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes me disait vendredi dernier que sa démission de l’Assemblée Nationale ne lui avait apporté que des félicitations. Et que parlementaire, il se faisait régulièrement interpeller vigoureusement, ce qui n’était pas le cas dans son mandat de maire. Sur l’air de « Sortez-les, on n’en veut plus ! »

2016 semble donc l’année de la décomposition partisane avec, en toile de fond, la critique de notre démocratie représentative.  

 

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Heureusement, il y a le renouveau ! Non, pas celui de Bruno (Le Maire) qui s’est fait récemment préempter avec talent son créneau marketing par un Emmanuel Macron à qui tout semble sourire. Le compteur des bonnes fées s’affole, de la droite aux patrons de la nouvelle économie. Il est moderne, il sent bon la fraîcheur des idées, il se veut à gauche et à droite, bref il tranche. A vif !

En marche donc… Vers quoi, on n’en sait rien. Car ses bonnes intentions se heurtent au principe de réalité : il est et reste ministre d’un gouvernement de gauche, donc comptable d’un échec patent. C’est pas tout de vouloir jouer le rebelle, il faut assumer sa posture. D’autant qu’à quelques mois de la présidentielle, le risque de se voir oublier est faible. Pour l’heure, Macron sert Hollande, tout en se mettant à son compte.

« Ma démarche consiste à refonder l’offre politique en France, au-delà des partis politiques classiques, avec un mouvement qui accepte la double adhésion, à un parti et à lui-même », explique-t-il dans une interview donnée au Soir, le quotidien belge, hier.

Dans Le Parisien du 11 avril, ses communicants le vendent au mieux comme une lessive, au pire comme un paquet de café censé nous réveiller !

« On voulait du disruptif… » confie Adrien Taquet, cofondateur de l’agence Jésus et Gabriel (Macron doit être la vierge de l’histoire !). En langage clair, créer une rupture, installer la marque Macron dans le temps en sortant des slogans politiques classiques. Au placard donc « la France en mouvement » ou « la France debout ». « L’idée, c’est l’enthousiasme et de s’adresser aux gens sans filtre », affirme Taquet. D’où le clip de lancement dont Macron a validé la trame et le texte. D’où aussi le site Internet d’En marche ! Dépouillé, transparent, simple. « Pour mieux mettre en valeur le produit », glisse Taquet. Même la rhétorique rompt avec les termes trop clivants. Chez Macron, le bon vieux « militant » est remplacé par « l’engagé » ou le « marcheur ». Le « parti » est remplacé par « le collectif ». Car, comme l’explique dans son jargon Taquet, « Macron est un game changer : il change les règles du jeu. » Sic…

Si l’intention est louable – »lever les blocages »-, Macron est d’abord le candidat des métropoles face au reste de la France, un pur produit de la mondialisation dans une France qui doute de cette mondialisation. Pur produit du système qui, sous un air de gendre idéal, veut mettre le feu à la maison histoire d’éclairer la nuit qui l’entoure, selon le bon mot de Christophe Barbier, le patron de L’Express.

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La caractéristique même du système politique est qu’il est capable parfois d’engendrer des personnalités atypiques. Parce qu’elles ont compris le sens du vent ou de l’histoire. On le voit avec Trump et Sanders aux USA. Candidats anti-système, à la parole non policée, qui en donnent d’abord pour séduire et rassurer un électorat qui veut sortir les sortants.

Côté droite, on a aussi celui qui se prépare pour le grand saut des présidentielles : Laurent Wauquiez. Il veut faire de sa région un laboratoire et sa garde rapprochée, aux compétences qui dépassent parfois le « simple » cadre local, a l’œil sur le 55 rue du Faubourg Saint Honoré. Pour pour dans 6 ans ou pour dans un an. Les péripétie de l’histoire le diront.

Laurent Wauquiez est pourtant, tout comme Emmanuel Macron, un pur produit de l’élite française qui fait du marketing politique. Au risque de choquer parfois jusque dans son camp. Il parle à ses électeurs, il cherche à fédérer sa famille, avant d’aller chercher les voix au centre. Il sait qu’une élection se prépare à droite (où à gauche) et se gagne au milieu. Alors, face à des compétiteurs manquant souvent singulièrement de colonne vertébrale politique, il remet l’idéologie au centre de la place. Avec deux exigences : l’expérimentation de solutions innovantes et la culture du résultat. On n’est pas loin de ce que dit Macron.

Près de lui, il y a ces candidats à la primaire de la droite et du centre. Sorte de concours de beauté où certains jouent pour faire Président et d’autres simplement pour exister dans le miroir de leur propre insuffisance. Comme l’écrivais récemment le politologie Jacques Sapir, « ce sont les querelles d’égo qui ont d’abord parlé. Et ceci est symptomatique d’une décomposition politique quand on n’est plus capable de faire le tri entre l’essentiel et l’accessoire, ou que l’on en vient à considérer les questions de personnes comme essentielles. »

En attendant, la montée en puissance de Bruno Le Maire fait entrevoir la menace potentielle d’une troisième place qui serait une humiliation pour Nicolas Sarkozy, le boss des Républicains qui continue de croire en sa bonne étoile. D’autant que le discours de Le Maire est pour l’instant très macronien : les jeunes vont réussir à la place des vieux qui ont échoué. Non seulement le chef n’est plus respecté, mais il sera bientôt conspué.

En fait, il n’y a plus de chef.

En fait, le Roi est mort.

Et puis alors… Vive le Roi ?

Les Commentaires ( 3 )

  1. de Abel Gago
    posté le 21 avr 2016

    Merci Eric de tenter de relativiser les batailles (pardon, les révolutions) du moment !
    En effet, le roi est mort. Il est mort parce que « le peuple » l’a tué pour le remplacer par la république démocratique… qui, en période de crise, se montre parfois un peu désespérante… et, dans les moments de désespoir, les souvenirs des Dieux ou des Rois (leurs représentants sur Terre !) nous reviennent avec nostalgie. Alors, les représentants du peuple, désavoués ou mal aimés, se mettent à prôner la rupture avec ce présent désespérant… en se présentant comme les futurs Dieux ou les futurs Rois… si nous acceptions de les élire ! bien sûr !
    Pour l’instant, chacun d’entre eux a désigné, courageusement, les coupables du désespoir présent … On attend, avec patience, qu’ils proposent des solutions concrètes, crédibles et réalisables à court ou moyen terme et pas seulement la gloire et la vie éternelle… après la mort
    On va essayer de rester attentifs aux battements des coeurs (c’est vital) en tentant de ne pas perdre la raison, souvent moins palpitante ! mais aussi moins aléatoire !
    Amitiés
    Abel

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  2. de justin
    posté le 28 mai 2016

    Mr Gago a l’art de la litote,Dieu est mort et nous ne pouvons compter que sur nous.A droite comme à gauche,les prétendants sont discrédités et le bon peuple s’en aperçoit.Pour la droite ou ce qu’il en reste, le choix n’est pas facile.entre Juppé, un vieux has been,et d’autres chevaux de retour aucun ne fera avancer .Peut être De Villiers aurait fait l’affaire,mais pas de chances,il nous reste H Guaino qui semble avoir une bonne vision de la France,mais ce sera dur pour lui aussi.Quant à Macron,c’est un sous marin de Hollande destiné à prendre les voix centristes pour bloquer Juppé.Attendons les résultats des entretiens de Béziers pour voir à droite quels seront les thèmes imposés aux candidats

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  3. de Dambinoff D
    posté le 5 mai 2017

    il sont tous pour la reussite de la FRANCE §§ MAIS il faut prendre les directives de l UE !! aucun de nos futures presidents n a suibie l evolution de l Europe ! sur tout du point de vue economique ! nous somme trop cher !! meme dans les salaires de nos haut es fonctions de l Etat !! et de notre securitee !!

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