Damien Abad se lâche !

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Lorsque l’on m’a prévenu au bureau que Monsieur le député européen était arrivé, je dois vous dire que je m’attendais à un politicien genre costard cravate. Raté. Baskets, jean et barbe de deux jours. Damien Abad marquait le premier point. Celui de l’étonnement. Rencontre et interview avec un jeune qui ambitionne de compter un jour à Lyon.

Tu es un nouveau venu à Lyon. Peux-tu te présenter pour que mes lecteurs te connaissent ?
Je suis né dans le Gard il y a 29 ans. J’ai fait Sciences Po Bordeaux puis Paris et j’ai échoué deux fois à l’oral de l’ENA. Faut croire que je ne devais pas être dans le moule…

La politique m’a toujours intéressé. J’ai été frappé, alors que j’avais 6 ou 8 ans, par le débat Tapie Le Pen. C’était violent et passionnant à la fois. Mais bizarrement, j’ai eu beaucoup de mal à m’inscrire dans un parti politique. Je suis entré à l’UDF en 2007 où j’ai été rapidement chargé d’études dans les domaines fiscal et budgétaire. J’ai vécu de l’intérieur le vote de la censure du gouvernement Villepin, puis la candidature aux présidentielles de François Bayrou et l’erreur du second tour qui a consisté à ne pas choisir tout en faisant comprendre que le choix était fait !

J’ai donc tout naturellement choisi de participer à la création du Nouveau Centre qui représente aujourd’hui les valeurs de l’UDF. J’en veux à François Bayrou qui, obsédé par les présidentielles, mène une famille politique dans une impasse idéologique. On a tout à reconstruire, même si je suis bien conscient que le Nouveau Centre n’a pas forcément une image bien stable dans l’opinion. En parcourant Rhône-Alpes, et c’est la même chose dans d’autres régions, je rencontre chaque jour des “ex“, ex-Parti Républicain, ex-giscardiens, ex-UDF, ex-CDS qui sont orphelins. Eh bien, le temps est venu de refonder le parti des “ex“, de retrouver nos racines et d’aller de l’avant.

Tu étais donc numéro 2 de la liste conduite par Françoise Grossetête aux européennes. Et tu as été élu, à 29 ans, député européen. Tu es aujourd’hui tête de liste aux régionales dans l’Ain, toujours derrière Françoise Grossetête. Alors, Françoise, marraine de cœur ou marraine forcée ?
Marraine de cœur et… de raison !

Pourtant, elle a dit de toi que tu es un “gamin de 29 ans parachuté et qui a tout à apprendre. »
Dans un vrai couple, il y a toujours des disputes et des moments de tendresse… Je lui ai envoyé un texto de félicitation lorsqu’elle a été élue député européenne de l’année. C’était un autre moment de notre vie de couple !

A quelle commission sièges-tu au Parlement ? Quelles ont été tes premières action ou réactions ?
Je siège dans les commissions du budget, du marché intérieur et de la protection des consommateurs. J’ai déjà porté deux ou trois amendements et été à l’initiative d’un intergroupe sur la problématique de la jeunesse et de l’Europe. Lors des deux derniers référendums (Maastricht et la constitution) on a pu constater une véritable défiance des jeunes à l’égard de l’Europe et de ses institutions. Je suis président de cet intergroupe, avec trois vice-présidentes, une socialiste espagnole, une verte allemande et une libérale roumaine. Je suis donc gâté… et bien entouré ! (rires)

Nous travaillons par exemple sur la création d’un Erasmus des apprentis ce qui me vaut d’être régulièrement dans des centres de formation des apprentis où les élèves rencontrent dans leur grande majorité un député européen pour la première fois de leur vie.

Tu es le benjamin des députés français et la benjamine du parlement est une eurodéputée danoise de 25 ans. Jolie ?
(hésitation) On va dire que c’est pas la plus jolie ! Il y a de nombreux parlementaires de sexe féminin très agréables à regarder, l’ouverture aux pays de l’Est a eu, en l’espèce, des avantages. Mais n’oublions pas qu’au Parlement européen, comme d’ailleurs souvent en politique, ce sont les femmes qui poussent pour que les choses bougent.

Après quelques mois de vie parlementaire, quel est ton rapport d’étonnement ?
Ce qui frappe immédiatement au Parlement Européen, c’est la culture de la négociation et du compromis. Tout le monde se respecte et si tu joue pas collectif, t’es mort.

L’autre élément à souligner, c’est la forte présence de la culture allemande dans les institutions. Ce sont eux qui ont les clés de l’Europe aujourd’hui.

Le monde politique t’a très rapidement surnommé le pigeon voyageur. Candidat aux législatives dans la 5è circonscription des Yvelines en 2007 (3,17% des voix), puis candidat aux municipales dans le Gard, à Vauvert, et élu sur la liste UMP, candidat aux élections européennes en 1999 et élu sur la liste UMP. Puis te voilà parachuté dans l’Ain, sur la liste UMP.
Alors, le Nouveau Centre, parti libre ou parti pris ?

Du tac au tac, mon parti pris, c’est le parti libre !

Pour les Yvelines, c’était une candidature de témoignage, sur 3 semaines, pour permettre au Nouveau Centre d’être présent dans cette élection.

Pour le reste, je vais être politiquement incorrect en réhabilitant le parachutage. Comme quoi, j’ai, contrairement à ce que dit la presse, au moins une affinité avec Dominique Perben ! (rires)
Lorsqu’à 29 ans, on te propose une place éligible, tu ne vas pas cracher dessus, d’autant que cette place permet à ton parti d’avoir une lisibilité et un député ! J’en ai d’ailleurs marre que ce type d’élection soit phagocyte par des enjeux locaux du style « t’es né où ? ». On est au XXIè siècle… A mon âge, on a le temps de s’ancrer dans un territoire.

Je vais même être franc avec toi, on m’aurait proposé cette place dans le Nord ou en Bretagne, ma réponse aurait été la même. En l’occurrence, on m’a demandé de faire 50 mètres, et de basculer dans la grande région Sud-Est, de l’autre côté de la rivière qui passe dans mon village de Vauvert. Comme parachutage, il s’agit plutôt d’une ou deux brases (non coulées) !

Pour l’Ain, c’est pareil. J’avais le choix entre une quatrième place dans le Rhône, et « faire canard », et une première dans l’Ain. Nous sommes dans une élection régionale, pas dans une municipale ou une cantonale. L’Ain, c’est Rhône-Alpes. Et pas qu’un peu, il suffit de voir ce que ce département a donné à la Région ces 30 dernières années…

Sur ton blog, tu affiches (avec humour ?) une bannière Only Lyon. Le slogan est « Be you, be here ». Oserais-je ajouter Be where Damien Abad ? Vauvert, Lyon, Bourg-en-Bresse ?
Les trois à la fois ! Il fallait un parlementaire pour conduire chaque liste. Je suis parlementaire, je ferai campagne et nous gagnerons l’Ain. Quant à Lyon, je ne fais aucun plan sur la comète…

Tu fréquentes de nombreux pinces fesses people lyonnais comme le dîner des Pennons, le dîner de gala de la Croix Rouge… Et pourtant, on te voit peu dans Lyon. Tu n’as même pas de permanence alors qu’elle avait été promise. Lyon, c’est fini ?
Le Nouveau Centre a tout à construire à Lyon. Par ailleurs, je suis en excellent terme avec Michel Havard et Denis Broliquier. Même s’ils ont quelques années de plus que moi, nous sommes de la même génération politique. En revanche, j’observe qu’il semble compliqué de construire un fief à Lyon. Ca tombe bien, je ne suis pas pressé. Mon modèle, c’est Michel Barnier : « toujours avoir une idée d’avance, transmettre et savoir s’entourer de jeunes », comme Jérémy Coste, le patron des jeunes centristes (NDLR : le mouvement des jeunes du Nouveau Centre). Et puis n’oublions pas l’apport des élus de l’Ain à la vie politique lyonnaise ces 60 dernières années !

Ton fan club sur Facebook compte 943 membres. Une petite moisson, mais prometteuse. Tu es également sur Twitter. Es-tu un vrai geek ?
J’utilise tout simplement les outils de ma génération. Des outils passionnants et dangereux à la fois.

Justement, Jean-Jack Queyranne mise beaucoup sur l’internet pour la campagne des régionales. Où en sont l’UMP et ses alliées dont tu fais partie ? On n’a pas l’impression que ça avance.
Ca démarrera en janvier. Nous avons un super directeur de campagne et, plutôt que de privilégier la forme, la com, nous travaillons d’abord sur le fond, le contenu. C’est aussi ça la nouvelle génération de politique. Connaître les ressorts de la communication, mais savoir que sans fond, sans idées, sans idéaux, la com n’est que cosmétique !

Question de Frédéric Poignard du Figaro : « Tête de liste dans l’Ain, est ce l’équivalent d’un atterrissage raté à Lyon, une phase de purgatoire ou une initiative humanitaire pour sauver la place de Jean-Loup Fleuret ? « 
(rires). Au risque décevoir Jean-Loup, aucun des trois. J’habite Lyon, dans le troisième arrondissement. Et pas dans une chambre d’hôtel !
J’ai choisi d’habiter ici et de loger à l’hôtel à Strasbourg et à Bruxelles. Question d’équilibre et de racines, en Rhône-Alpes ! Je dirais même au cœur de Rhône-Alpes.

Le Nouveau Centre ambitionne de lancer une nouvelle génération de politiques aux législatives de 2012″, comme l’avait fait Giscard en 1978. As-tu déjà des noms de jeunes à nous donner sur Lyon ?
Je ne veux pas les griller tout de suite ! Nous construisons notre réseau, lentement mais sûrement. Le Nouveau Centre a vocation à avoir des députés dans le Rhône, et pourquoi pas à Lyon. Pour nous, 2012 préfigurera les municipales de 2014. Et le renouvellement, la jeunesse, l’envie, les idées, et pourquoi pas le rêve seront au cœur de cette bataille. Lyon se gagnera au centre, et Gérard Collomb l’a bien compris. Mais là où il n’en est que le reflet, la cosmétique, il trouvera en face de lui les originaux, dans tous les sens du terme.

Le Nouveau Centre revendique l’héritage de l’UDF, puis aujourd’hui le nom, alors qu’Hervé de Charrette (NDLR : qui vient de quitter l’UMP pour le Nouveau Centre) l’a déposé à l’INPI et en est le propriétaire jusqu’en 2014. Le Modem se réclame aussi de cette marque, l’association UDF faisant partie des membres fondateurs du Modem. Pourquoi vouloir reprendre la vieille marque des origines ? Parce que le Nouveau Centre n’a de nouveau que le nom ?
Il incarne cet héritage de l’UDF tout simplement parce qu’il n’a jamais composé avec cet héritage. Je souhaite effectivement que l’on change de nom pour revenir aux origines et affirmer au travers d’une marque reconnue notre filiation.

Le problème, c’est que le Nouveau centre n’existe pas. Comment peut-on l’être quand on est fondu dans une majorité présidentielle largement dominée par l’UMP ? Le centre n’est visible que lorsqu’il est indépendant. L’UDF, c’est aussi le « Oui mais » de Giscard en 1959. Etes-vous capable de dire « oui mais » à l’UMP et de gagner votre indépendance ?
Dire « merde » à l’UMP et montrer ses muscles quand on n’en a pas, c’est risible. Notre objectif est d’être le second pilier de la majorité et de porter notre musique sur un certain nombre de sujets différenciant. Des sujets de société, par exemple, comme l’adoption par des couples homosexuels, la fin de vie, les équilibres intergénérationnels. Il est temps que l’on comprenne que centrisme ne veut pas dire consensus mou. Les grandes réformes de société portées par l’UDF étaient toutes sauf consensuelles, notamment dans l’électorat de droite. Cette capacité à accompagner l’évolution de la société est aussi notre marque de fabrique.

La force ne se mesure pas qu’en nombre. Elle se mesure aussi en termes d’idées et de stratégie. Comme tu l’écrivais il y a quelques mois sur ton blog (lien ici) nous devons méditer la phrase de René Char : « Agir en primitif et prévoir en stratège ». Le primitif étant celui qui a totalement intégré son idéologie. Elle en est son moteur et son carburant.

Cinq mots qui pourraient définir ton combat et celui du Nouveau Centre ?
Solidarité, société apaisée, Europe, liberté, avec l’envie de réhabiliter l’idée même de libéralisme à visage humain.

Les Commentaires ( 12 )

  1. de Jérôme Manin
    posté le 10 déc 2009

    L’homme vu par Erick nous parait sympathique, il y a surement du vrai mais on saura aussi qu’Erick peut nous rendre profondément sympathique n’importe qui, il faudra d’ailleurs un jour que quelqu’un se colle à pondre un bel article dont Erick serait le sujet… And now something completely different :-)

    Je ne retrouve pas l’origine ni beaucoup de trace de l’expression « laisser à la bade » que l’on emploi dans l’Ain pour des bête que l’on laisse aller où bon leur semble dans un espace non clos… Si qq un a des infos…

    Dernière remarque avant de retourner casser du socialiste (je sais, chuis con :-) ) je trouve toujours un peu louche de parler de centrisme, d’évoquer l’UDF etc… et dans cette mouvance de faire abstraction totale du Parti Radical dans le paysage politique, il existe, les élus sont nombreux et l’omission n’est pas saine…

    Dans tous on va suivre « a bad boy »…

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  2. de Armelle
    posté le 10 déc 2009

    Il a l’air bien sympathique ce jeune député…

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  3. de Catherine
    posté le 10 déc 2009

    OUI, très sympathique et cela ne m’étonne qu’à moitié… vu son itinéraire… le Gard, l’Ain, le Rhône, trois régions que je connais si bien pour y avoir vécu et travaillé!! je lui souhaite toute la réussite possible!

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  4. de Caton de Lyon
    posté le 10 déc 2009

    Effectivement, il a l’air bien sympathique ce nouveau centriste bientôt rebaptisé à cette vieille église de l’UDF à laquelle certains allaient jadis se recueillir ensemble… ;-)
    On verra si ce sera là un pas de républicains en quête de retrouver leur indépendance ou si les futurs ex nouveau centre resteront les harkis d’une UMP dévolue à Sarko.
    Au fait, super le clip de l’UMP… après tout, même ridicules en musique, ils sont moins comiques que le parti socialiste avec sa « sérieuse » cacophonie sans fin.

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  5. de coco
    posté le 13 déc 2009

    bravo damien!
    toujours le même, authentique et enthousiaste quelque soit l’interlocuteur, avec un vrai franc-parler qui dérange les  » anciens », ! la plitique a besoin de gens comme toi pour se ressourcer, évoluer et retser crédible!
    l’énergie est au nouveau centre!

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  6. de grognon
    posté le 13 déc 2009

    Pauvre Mr Abad, parachutages à répétition, cumul des mandats, langue de bois, c’est sur il est formidable, un vrai carriériste pur jus, la nouvelle génération politique n’a rien à envier à ses ainés, je lui souhaite juste de se prendre les pieds dans le tapis qu’il retrouve un peu d’humilité.

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  7. de cln007lol
    posté le 14 déc 2009

    Je ne connaissais pas ce site. Je trouve le style hyper cash. Les questions sont directes et les réponses aussi !

    Damien Abad est un jeune homme politique qui promet. Il ose répondre aux questions et je suis tout à fait d’accord avec lui concernant le soit disant parachutage. L’Ain c’est le Rhône Alpes en plus ! On demande aux jeunes d’être mobile je trouve que son parcours est un formidable exemple pour la jeunesse. Il saisi la chance qui lui est offerte suite à tout le travail qu’il fait pour son parti et fonce pour développer sa famille politique. Bravo et courage Damien !

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  8. de laulau de bruxelles
    posté le 14 déc 2009

    Société apaisée…. voilà un concept qui me plait!! La france et le centre aujourd’hui ont besoin d’hommes comme Herve Morin, comme Damien Abad, eurodéputé de 29 ans, pour faire avancer ces idées. Damien Abad escelle dans son mandat européen, il rend compte de son travail auprès de ces électeurs et des citoyens de la circonscription sud est qui lui ont fait confiance!
    Sa candidature dans l’ain pour es régionales est un beau message pour la jeunesse d’aujourd’hui, pour l’action et justement pour cette société apaisée. car c’est par le renouvellement des politiques, par l’implication des jeunes dans lees politiques de la France que l’apaisement viendra, car ils travailleront pour l’avenir et construire la société du futur.
    Damien Abad, bonne route à toi et on a confiance dans les jeunes centristes!

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  9. de Chtiboom
    posté le 14 déc 2009

    « Langue de bois »? Apparemment, vous utilisez cette expression sans savoir de quoi il s’agit… :-/
    Moi je le trouve très courageux de ne pas esquiver les questions concernant les déplacements auxquels il a été forcé. Car, si je me souviens bien, il était chef de file NC dans la grande région Sud-Ouest, et c’est l’UMP qui l’a obligé à se bouger.

    Alors arrêter de lui taper dessus et regardez les choses en face: c’est l’UMP qui ne veut pas de jeunes qui émergent, donc ils essayent de les décrédibiliser en les obligeant à bouger

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  10. de Strategor
    posté le 15 déc 2009

    Voilà un article dont le ton me plait. On y retrouve le vent de fraicheur du « vrai journal » de Karl Zero à ses débuts. Des questions directes et des réponses tout aussi directes de M. Abad, et franchement, ca fait du bien!

    Bonne chance à vous et j’espère que vous ferez pencher la balance électorale à droite comme vous l’avez fait lors des européennes.

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  11. de denys
    posté le 16 déc 2009

    bien reçu le message, pas dans le rhône pour faire canard. ok, mais les partenaires de la nouvelle majorité présidentielle seront ils obligés eux de faire canard?
    Attention, Damien n’oublie personne sinon c’est perdu !!!!

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  12. de Jean-Claude Canus
    posté le 11 jan 2010

    Super, les jeunes…arrivistes ont la côte et la grosse tête !
    Je pense que Môsssieur Abad est dans le vent et il méritera bientôt son destin de feuille morte….

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