Vincent Lambert : qui sommes-nous pour juger ?

perfusion

 

L’affaire n’est pas simple. Vincent Lambert est, depuis plus de 10 ans, en « état végétatif chronique ». Il n’est clairement pas en fin de vie. Et pourtant, dans quelques jours, une semaine tout au plus, il sera parti.
Plus de 10 ans maintenant que son « cas » divise le pays. Allumant des feux entre partisans et adversaires de l’arrêt de l’hydratation. Entre partisans et adversaires d’une mort programmée.
D’un côté, on a les larmes d’une épouse qui, avec toute l’abnégation de l’amour, réclame, face à cette petite mort -celle de la conscience minimale- la fin. Elle sait que plus jamais, il ne lui dira « je t’aime ».
De l’autre côté, on a les larmes d’une mère qui, avec toute l’abnégation de l’amour, réclame la vie pour son fils, quand bien même cet état végétatif semble définitif. Et que plus jamais, il ne lui dira « je t’aime »

Et puis il y a les autres, tous les autres, qui pérorent, tonnent, donnent leur avis (forcément éclairé), se battent au nom de leur foi en l’Homme ou de leur foi en Dieu, interpellent, tentent de grappiller quelques voix… Et on entend les mots « assassinat », « meurtre », « régression de civilisation », « euthanasie ». Et on entend aussi le mot de « droit », en oubliant les devoirs, les mots de « libre choix »…
Bref, le pathétique de l’âme humaine, souvent.

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Car « l’affaire Lambert » nous remue. Elle nous place face à la décision ultime. Celle de dire ou de ne pas dire « stop ». Surtout quand la volonté de la personne prise en charge n’est pas connue de manière objective et indiscutable. Or aujourd’hui, cette « parole contre parole », celle d’une mère et celle d’une épouse, pose le problème. Et le débat médiatique aura poussé les deux parties dans une posture irréconciliable, opposant des arguments qui tous sont justes, et qui donc rendent impossible la recherche de solutions alternatives.

Mais là, comme dans beaucoup d’autres décisions engageant la vie, il n’y a pas de leçon à donner ou à recevoir. Il y a simplement une décision à prendre, face à soi-même.

C’était il y a 14 ans. Un médecin me prend à part. Mon père souffre. Tout est perdu, j’assume alors, seul, de lui dire d’arrêter les appareils qui relient mon père au monde.
On est toujours seul face à cette décision. J’aurais pu lui dire d’attendre, de laisser « faire la nature ». Mais non, j’ai fait un autre choix. Je n’en ai jamais parlé. Pas de quoi se vanter, être fier. J’en porterai la responsabilité toute ma vie. Mais je crois que j’ai fait le bon choix. Il est mort entouré de maman, d’Elodie et moi. Il n’était pas seul.

 

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Pourquoi en parler maintenant alors ? Tout simplement parce que j’en ai marre qu’au nom des principes, tout le monde donne son avis alors qu’il n’a pas voix au chapitre. Pour moi, seule l’épouse de Vincent Lambert, sa moitié pour la vie, « jusqu’à ce que la mort les sépare », doit in fine décider. Et nous, nous devons incliner devant sa décision. En l’approuvant. Ou en la désapprouvant. Et surtout en faisant preuve de compassion, un mot que j’entends fort peu ces derniers jours…

Reste que le débat est là. Et que la fin proche de Vincent Lambert ne l’aura pas tranché. C’est peut-être mieux ainsi. Tout ne se résout pas par une loi, mais en l’espèce, la modération et la justesse de la loi dite Léonetti, permet de proposer des soins palliatifs sans pour autant légaliser l’euthanasie.
Le seul risque de ce débat(llage) est bien, à mon sens, de provoquer un effet de boomerang dans quelques mois, à la faveur de la révision des lois bioéthique. Et là, on verra qui, des uns ou des autres, militants d’une cause, aura été « l’idiot utile ».

Les Commentaires ( 2 )

  1. de CHEVROLAT patrick
    posté le 20 mai 2019

    J’ai eu à vivre la même « expérience » que celle que tu décris avec mon père aussi … c’était le 7 Août 2016 … On en ressort pas indemne il est vrai … Mais au moins, on était entre nous … trois ! Moi, lui et le médecin que je ne remercierai jamais assez de sa grande humanité, pourtant un très jeune médecin. Pour Vincent Lambert, il y a 50 millions d’avis … Pour ne plus revivre ce genre de situation qui ne peuvent que rendre service aux chaines d’info continue et au réseau sociaux, serait ce complètement stupide de rendre « obligatoire » de faire figurer sur nos cartes vitales, à travers notre médecin traitant (souvent de famille et ami) une position personnelle, modifiable régulièrement si besoin, sur ce sujet ???
    Bises !

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  2. posté le 20 mai 2019

    Je partage cher Patrick

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