Race ou pas race ?

raceAvec la suppression du mot race dans la Constitution Française, l’ami Molette a encore frappé. Une annonce symbolique de François Hollande faite ce matin qui pose plus de questions qu’elle ne donne de réponses. Quitte à agiter un chiffon rouge devant le nez de Marine…

« Il n’y a pas de place dans la République pour la race. Et c’est pourquoi je demanderai au lendemain de la présidentielle au Parlement de supprimer le mot race de notre Constitution » a déclaré François Hollande samedi. « Le mot a pris un autre sens aujourd’hui », a considéré le candidat du PS. « Nous ne connaissons qu’une seule race, une seule famille: la famille humaine. »

C’est beau. C’est grand. C’est généreux. On dirait du Guaino ! Et c’est surtout très démago… L’article 1 de notre Constitution vaut le coup d’être relu, histoire de partir sur de bonnes bases… D’autant que 1958, semble dire l’ami Molette, c’est bien loin.
Article 1, donc, dans sa première partie : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »

Un texte d’ailleurs presque similaire figure à l’article 2 de la déclaration universelle des droits de l’homme votée par les 58 Etats membres de l’ONU le 10 décembre 1948 à Paris. « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »

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Bon, le mot race semble indisposer François Hollande. Dédramatisons. Direction le Littré (en 20 volumes s’il vous plaît !). Le mot occupe deux pages… Synthèse. « Race. N.m. (!!) Tous ceux qui viennent d’une même famille. » Bon, on n’est pas avancé… Le Larousse a une position plus tranchée, militante. « Race. N.f. Catégorie de classement biologique et de hiérarchisation des divers groupes humains, scientifiquement aberrante, dont l’emploi est au fondement des divers racismes et de leurs pratiques. »

Pour Wikipédia, qui est parfois au dictionnaire ce que le Champomy est au champagne, « La définition zoologique du terme race est la suivante : « subdivision d’une espèce qui hérite des caractéristiques la distinguant des autres populations de l’espèce. Au sens génétique une race est une population qui diffère dans l’incidence de certains gènes des autres populations, conséquence d’une isolation, le plus souvent géographique ». Pour certains membres de la communauté scientifique, le concept de race semble, aujourd’hui, difficilement définissable dans l’espèce humaine. »

Le mot race, on s’en doutait un peu, semble faire partie des mots, si ce n’est tabou, du moins dont l’interprétation ne laisse pas indifférent…

Les synonymes pourraient alors nous éclairer ? Ancêtre, ancêtres, ascendance, branche, catégorie, classe, descendance, dynastie, espèce, ethnie, famille, filiation, génération, groupe, progéniture, sang, sorte, tribu. Rien de traumatisant… Poursuivons donc du côté de la génétique comme nous y invite le Larousse et Wikipédia.

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Au gré de mes recherches, car je ne suis pas un spécialiste de la chose, je tombe sur une conférence du généticien Axel Kahn prononcée le 3 septembre 2011 à Durban lors d’un colloque de l’Unesco. Verbatim.

Le 12 février (2011 ndlr), « Nature » et « Science », deux des plus grandes revues scientifiques au monde, publiaient simultanément deux versions de la séquence du génome humain. (…) On apprenait ainsi que les hommes possèdent environ 35 000 gènes, ne différant que très peu d’une personne à l’autre. L’alphabet génétique est composé de 4 lettres A, C, G ou T, formant un enchaînement de 3,2 milliards de signes hérités de chacun de nos parents. Or l’enchaînement de ces lettres au niveau des gènes ne varie qu’une fois sur dix mille entre des hommes ou des femmes issus d’Afrique, d’Asie ou d’Europe.

Partout dans le monde, les commentateurs se sont étonnés qu’un être aussi prodigieux que l’homme puisse s’édifier avec si peu de gènes, pas plus que chez d’autres mammifères, seulement deux fois plus que chez un insecte tel que la mouche du vinaigre, un tiers de plus que chez un ver, et moins que chez des batraciens et des plantes, par exemple le blé et les tulipes.
La très grande ressemblance entre les génomes de personnes issues d’ethnies différentes, originaires de régions éloignées les unes des autres de plusieurs milliers de kilomètres, a cependant semblé rassurante : c’est là la preuve, a-t-on affirmé, que les races n’existent pas et que le racisme n’a donc plus aucune justification possible, qu’il est appelé, espère-t-on, à disparaître bientôt. Hélas, je crains qu’on ne soit allé bien vite en besogne, par ignorance ou sous l’influence de présupposés idéologiques. (…)

La nature combinatoire de l’effet des gênes fait que de très légères différences peuvent avoir néanmoins d’importantes conséquences sur les êtres. D’autre part, l’affirmation que le racisme est illégitime parce que, sur le plan biologique, et en particulier génétique, les races n’existent pas, revient à reconnaître que, si elles existaient, le racisme serait alors recevable. Or là n’est pas du tout ni l’origine du racisme ni la justification de l’antiracisme.

Certes les races humaines n’existent pas au sens où l’on parle de races animales distinctes. Tous les hommes sont en fait d’une grande homogénéité génétique car leur ancêtre commun est jeune au regard de l’évolution de la vie ; il a vécu il y a au plus 200 000 ans en Afrique.

Tous les continents semblent avoir été peuplés à partir d’une population dont des groupes auraient quitte l’Afrique il y a environ 70 000 ans. La couleur de la peau, qui joue un rôle si important dans les préjugés racistes, ne reflète pas tant une divergence génétique, qu’un phénomène de brunissement progressif de l’épiderme à mesure que l’on va du Nord vers l’équateur.

Il y a plus de diversités génétiques, en moyenne, au sein des individus d’une ethnie particulière qu’entre deux ethnies différentes, fussent-elles apparemment si dissemblables que le sont des populations scandinaves ou mélanésiennes.

(…)

Il y a paradoxalement peu de rapports entre la réalité des races et le racisme. Dans le discours des racistes modernes, ce ne sont souvent plus les races qui sont déclarées incompatibles ou inégales, ce sont les coutumes, les croyances et les civilisations. Ce dont on parle, c’est de choc des cultures. Ce qui est rejeté, ce n’est plus tellement l’homme noir, blanc ou jaune, ce sont les préparations culinaires, les odeurs, les cultes, les sonorités, les habitudes des autres.

Souvent la montée en puissance de l’uniformisation cultuelle et l’imposition des standards occidentaux accompagnant la mondialisation économique, entraînent, en réaction, une tendance au repli communautaire. Il s’agit là d’un réflexe de protection contre une civilisation opulente et dominatrice dont on ressent la double menace, celle de l’exclusion et de la dépossession de ses racines. Parfois même c’est à un véritable apartheid culturel que l’on aboutit sous l’effet conjoint de la revendication identitaire des minorités et de l’intolérance ou – et c’est parfois pire – du mépris et de l’indifférence de la majorité.

(…)

Or il y a dans cette forme de communautarisme exclusif une tendance qui m’apparaît inhumaine. Ce qui caractérise, en effet, les civilisations et leur évolution, ce sont les échanges culturels. Le dynamisme des sociétés humaines est toujours passé par les échanges et les emprunts culturels, qui, à l’opposé de l’uniformisation imposée par une culture dominante, créent de la diversité et ouvrent de nouveaux espaces au développement de l’esprit humain.

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On notera donc qu’il est désormais prouvé qu’au sens génétique du terme les races n’existent pas, même si Axel Kahn a volontairement employé le mot « ethnies ».

En fait, aujourd’hui, le mot race ne serait donc que l’arbre qui cache la forêt matérialisée par le choc des cultures. On est pas loin de la réalité, que ce soit dans un même immeuble ou à l’échelle d’un continent comme l’Europe. La diversité, qui est une chance, semble souvent en période de crise un risque appelant le protectionnisme, donc le rejet. Sorte d’homéostasie à l’échelle d’un groupe humain. Tout le contraire du combat pour la diversité que je mène au sein de la francophonie…

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Mais fallait-il, au détour d’un discours sur l’Outre-Mer ressortir cette proposition de la Licra ? Et en faire un thème de campagne quitte à agiter un chiffon rouge devant Marine ? Je note d’ailleurs que bien peu se sont risqués à la polémique. Non que le sujet ne s’y prête pas, mais sûrement par peur du retour de bâton. Il est encore des mots tabous. A propos… Article 1 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »

Si le mot « race » doit être banni, qu’en est-il des mots « origine », « laïque » ou « religion » ? Eux aussi ne « sonnent » pas bien selon que vous soyez…

Et puis le mot « égalité » risque de fâcher les libéraux, où tout simplement ceux qui constatent tous les jours que l’on ne nait pas égal. Même pas libre, parfois…

Et si, pour combattre le nationalisme, il fallait aussi enlever le mot « France » de la Constitution ? Pas vu, pas pris. Bon, d’accord, laissons le mot « France ». C’est sa Constitution après tout.

On le voit, même si elle repose sur des éléments forts, cette proposition est bien loin de régler le problème. Elle le masque même.

Alors, pour mettre tout le monde d’accord, je propose d’enlever tous les mots litigieux. Et cet article 1er aurait de la gueule !

Je propose donc :

Article premier de la Constitution : « La France. Elle assure. »

Elle est pas belle la vie ?

Les Commentaires ( 13 )

  1. de Jérôme Manin
    posté le 11 mar 2012

    « Le novlangue est la langue officielle d’Océania, inventée par George Orwell pour son roman 1984 (publié en 1949). C’est une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l’expression des idées subversives et à éviter toute formulation de critique (et même la seule « idée » de critique) de l’État. Le mot novlangue est depuis passé dans l’usage au féminin par analogie avec langue, lorsqu’il désigne péjorativement un langage destiné à déformer une réalité, hors du contexte du roman.
    Ce concept illustre également un propos du logicien Bertrand Russell assurant que nul problème ne pourra être résolu, voire perçu, si l’on prend soin d’éliminer au départ toute possibilité de le poser » in http://fr.wikipedia.org/wiki/Novlangue

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  2. de Guillaume
    posté le 11 mar 2012

    cela me rappelle le premier septennat avec la forte médiatisation démago d’Assouline et d’Harlem Désir. Avec Hollande on revient 30,… 50 ans en arrière : les races, les riches… pfff, je ne peux pas croire que la France vote Hollande !!!

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  3. de Stéphane E.
    posté le 11 mar 2012

    Incroyable de vouloir réécrire l’histoire de la langue française. La sagesse s’accomode des conjonctures: si nous devions sacrifier à toutes les modes en matière de politiquement correct nous n’aurions plus d’identité. Le mot Race n’a rien en soit de péjoratif, c’est l’emploie que l’on en fait qui peu posé problème.

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  4. de Marc Fromager
    posté le 11 mar 2012

    L’ami Molette. Je me marre.
    Bon sur cette histoire de race, pas la peine d’en faire tout un fromage. Tous les Goud(a) sont dans la nature !

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  5. de Jérôme Manin
    posté le 11 mar 2012

    « L’acide racémique est la combinaison à poids égaux de l’acide tartrique droit avec l’acide tartrique gauche », je cours vendre l’information à François Bayrou.

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  6. de Jérôme Manin
    posté le 11 mar 2012

    @Marc Fromager. Prenez du flan, c’est fromage ET dessert.

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  7. de Jérôme Manin
    posté le 11 mar 2012

    On se demande parfois s’il ne serait pas encore un peu le mari de Ségolène Royal…

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  8. de Marc Fromager
    posté le 11 mar 2012

    comment voulez vous gouverner un pays où il y a 365 sortes de fromage ? disait De Gaulle
    En voici deux
    La mimolette dite boule de Lille ou Vieux Lille (Aubry sort de ce fromage !)
    On affirme que c’était le fromage préféré du Général de Gaulle. Fromage en boule à croûte grise et à chair orangée, d’un poids de 4 kg (au départ) qu’on désigne encore sous le nom de Vieux Hollande dans la région lilloise (Martine une amie !).
    On le désigne ainsi : demi-vieux, vieux gras, vieux cassant.

    Le Rollot
    Le souvenir de Louis XIV s’attache à ce fromage ; on raconte en effet que le roi Soleil s’étant arrêté pour déjeuner dans la région, un Rollot lui fut servi par un nommé Debourges. Le Roi s’en régala tant qu’il lui décerna le titre de Fromage Royal.

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  9. de Caton de Lyon
    posté le 11 mar 2012

    ERdB Bonsoir,

    La France, elle assure.
    Superbe conclusion d’un non moins excellent billet.
    Ce n’est pas faux.
    Nombre de textes législatifs adoptés par le passés, sur la majoration des sanctions sur les propos racistes mais aussi sur la parité homme/femme auraient été invalidées par le conseil constitutionnel – au titre des dispositions de la constitution évoquées dans ce même billet – s’il avait été saisi au moment de leur élaboration. (ce fut d’ailleurs de façon inattendue le cas de la loi PLM de Gaston Defferre en 1983). Pour autant, elles ne font plus débat aujourd’hui tant elles sont « passées dans les moeurs ».
    Est-ce à dire que l’idée de François Hollande est pertinente pour autant.
    Tant sur le fond que sur a forme, je ne le pense pas.
    - d’une part; c’est une mesure purement langagière qui ne résoudrait pas les problèmes de tensions sociétales qu’elle est supposée adresser,
    - d’autre part, ce n’est pas une réponse appropriée que de donner de la voix dans une surenchère extrémiste à droite entre Sarkozy et Le Pen qui entre le halal et les différences « civilisationnelles » et l’Europe de Schengen situent là les principaux enjeux des années à venir.
    Je me souviens d’un édito de Mgr. Lustiger dans le Monde quand j’étais étudiant qui implorait la classe politique de l’époque d’éviter l’emploi volontaire de « mots piégés » dans le débat politique français. Le propos reste d’actualité semble-t-il en 2012.
    Je ne suis pas sûr effectivement que l’ « ami molette » gagne à marquer la roue d’une droite très « camembert »…surtout quand elle est en train de couler.

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  10. de Beaujon
    posté le 12 mar 2012

    Après les CV anonymes , la négation des sexes au profit du genre, voici la négation des races. Nos amis d’outre atlantique ne voit aucun préjudice et aucun problème à appeler un chat un chat. L’origine caucasienne, afro-américaine ou encore latino ou asiatique est officiellement reconnue. Quel est le problème?
    Nous entrons dans un monde fou où il n’est plus possible de reconnaitre à côté de soi un maghrébin, un noir d’Afrique, un chinois, un coréen ou un japonais. Tous pareils , passés à la moulinette du métissage voulue par nos élites ( à commencer par not’président), tous plus ou moins mélange de tout dans un meltingpot indéfinissable. Cela me rappelle « Septentrion » de notre excellent Jean Raspail. Tous gris , habillés pareils , plus de différence, un monde d’égalité concentrationnaire.
    Après nous avoir privé de notre argent par des ponctions fiscales sans précédent, de notre identité par l’apport massif d’immigration de peuplement , dans le cadre d’un système mondialiste abolisseur de frontières, de cours de justice internationales, voici venu le temps des privations de liberté de penser et bientôt d’être tout simplement différent de l’autre. Comme disait Céline,c’est bien l’homme blanc qui a perdu à Stalingrad…

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  11. de pétillant
    posté le 12 mar 2012

    …ce que le Champomy est au champagne, Lyon People à la presse, Dominique Perben au sens du contact, Bernard Rivalta à l’honnêteté, Najat Vallaud-Belkacem à la modestie, François Turcas à l’abstinence, Nadine Gelas à l’élégance, Michel Mercier à Michèle Mercier et Romain Blachier au talent d’écriture.

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  12. de PG
    posté le 13 mar 2012

    Navré pour cette incartade anglo-saxonne, mais il est à la fois croustillant et consternant de constater que François Hollande puisse penser que la simple promesse de suppression du mot « race » de la Constitution suffise à consolider son actuelle position de leader dans « The… Race » à l’Elysée. Ce n’est effectivement pas en effaçant les mots que l’on combattra efficacement les maux de notre société. Naïveté de la posture, naïveté du postulat.

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  13. de Jérôme Manin
    posté le 13 mar 2012

    @Pétillant : vous me plaisez !

    « Un thème à la con, ça arrive dans une campagne. » Erick Roux de Bézieux

      Répondre

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