20 ans après…

9 novembre 1989, chute du mur de Berlin. 20 ans… et le monde a changé, et l’Europe a changé. Et pour nous, 20 ans après ? La question méritait d’être posée…

Bon, pour être synthétique, il y a 20 ans, j’avais 23 ans, un premier boulot et mon premier fils en route… Ca c’est pour la bio de l’auteur de ces lignes ! Histoire de le situer dans l’Histoire avec un grand H. Bien entendu, je me souviens de la chute du mur, de ces européens pressés d’en finir, qui pierre par pierre dézinguaient le mur. Je me souviens aussi, symbole de la victoire du capitalisme sur le communisme, des premiers marchands du temple qui commercialisaient sur socle des morceaux du « vrai mur ». Comme si ces cailloux, à l’instar des reliques religieuses, avaient le pouvoir de guérir les écrouelles.

Notez, l’Europe aurait bien eu besoin d’un miracle. L’étude de Mediascopie, « Les mots de l’Europe », dont j’ai brossé les grandes lignes il y a quelques semaines à l’occasion du Forum Libération (c’est ici), révèle que l’Europe « reste un mélange de craintes et d’espoirs. »

20 ans, c’est la durée des grands changements qui ont structuré l’Europe. 1950/1970 avec la création du marché commun et de la communauté européenne. 1970/1990 avec la naissance d’une union plus politique, la création de l’Euro. 1990/2010 avec l’élargissement et un flottement à la fois institutionnel et dans l’opinion publique.

Je me souviens d’une phrase rapportée par Giscard. Son ami et complice Helmut Schmidt lui avait glissé un jour que la réunification de l’Allemagne « n’arriverait pas de son vivant ». Ce n’était pas une erreur d’analyse comme celle qu’a pu faire il y a 20 ans Mitterrand, simplement un commentaire daté d’un partisan de l’Europe et de la réunification. Car la première conséquence de la chute du mur fut, on l’a trop souvent oublié, la réunification de l’Allemagne. Un chantier titanesque, très onéreux (d’autant que l’Europe y a peu contribué) dont on sent encore qu’il faudra quelques années pour qu’il soit totalement digéré. L’Allemagne est passée, en 20 ans moins un mur, de 60 à près de 84 millions d’habitants. Pour mémoire, la France n’a pas voulu reconnaître cet écart de 20 millions d’habitants lors de la rédaction du Traité de Nice afin de conserver des droits de vote égaux avec ceux de l’Allemagne ! Car l‘Europe reste un cartel de pays où chacun continue de regarder midi à sa porte. Ou au pied de son propre mur !

L’Allemagne y a gagné ses galons de première économie d’Europe (son PIB est en tête) tout en payant le prix fort en interne pour financer sa réunification.

Si le légendaire couple franco-allemand initié par Adenauer et De Gaulle, poursuivi de façon magistrale par VGE et Schmidt (un homme dit de droite et un homme dit de gauche !). On connaît aujourd’hui les réticences, masquées sous les images historiques d’une visite de cimetière à Verdun main dans la main, du couple Kohl/Mitterrand. Il semblerait qu’aujourd’hui, après une période d’observation tendue, Sarkozy et Merkel aient reconstitué l’axe fort. On l’a vu récemment dans la préparation du sommet de Pittsburg. Le leadership est de retour. C’est un bon point pour l’Europe, même si on sait que cette organisation, façon moteur à deux temps, agace de nombreux pays « ex » de l’Est qui se sentent marginalisés dans leur désir d’exister.

Tiens, l’élargissement. Parlons-en. Je n’ai jamais eu de carte d’identité. Préférant mon passeport car, dessus, il est indiqué Communauté Européenne. Durant des années, comme tout UDF qui se respecte, j’ai été un européen convaincu. Et maintenant, je doute. Car je n’en voie plus le sens. Loin des yeux, loin du cerveau, loin du cœur… Le passage de 12 à 27 Etats membres (on se souvient tous de la cérémonie de 2004, pour l’adhésion de 10 pays, diffusée en Eurovision) a fait basculer l’Union d’un ensemble gérable à un ensemble difficilement gérable. Le mur nous est tombé sur le pied ! Mal préparé politiquement, cet élargissement s’est d’abord appuyé sur des raisons financières marchandes, en oubliant le sens, la vision politique de l’Union. C’est, à mon sens, l’une des causes du malaise de nombreux européens convaincus vis-à-vis de l’Europe nouvelle. Celle de l’après mur.

Et pourtant, l’Union est aujourd’hui le premier acteur du commerce mondial (premier exportateur, premier importateur). L’Euro est devenue la seconde monnaie mondiale. Donc, sur le papier, plus de 50 ans après la CECA, c’est un succès. Mais dans les têtes ? Pas si sûr… L’Europe n’a toujours pas de visage, elle ne sait toujours pas comment communiquer et expliquer, elle reste lointaine et perçue comme « castratrice », sa voix porte peu en dehors de ses propres frontières, elle semble si… Ou si peu ! Heureusement, lentement, les opinions bougent. L’étude de Mediascopie en témoigne. Mais faudra-t-il attendre encore 20 ans pour que l’on se sente réellement européen en France et en Europe ?

Ce sens, ou cette absence de sens revendiqué (la réponse aux questions L’Europe pour quoi faire ? Et qu’est ce que j’ai à y gagner ?), est d’abord la faute aux politiques. Lorsque l’on sait qu’en France, il est de bon ton d’envoyer des seconds couteaux au purgatoire Parlement Européen alors que des pointures seraient nécessaires. Même Rachida Dati songerait à devenir députée… française. Plus valorisant, plus politicien, plus clinquant sur un CV…

Qui a su des dernières années partager une grande ambition européenne ? Pas grand monde, même si la présidence de l’Union par Sarkozy (et grâce à l’actualité fournie) a mis du baume au cœur des européens amoureux de la chose publique. Mais pour une présidence réussie, combien de ternes, combien qui n’ont de présidence que le titre ? Car l’Europe est bel et bien malade de ses institutions. Ou plutôt de la manière dont elles sont organisées et dont elles gèrent leur pouvoir. Le renforcement du pouvoir du Parlement européen est une bonne chose. Mais dans le futur, devrons nous être un cartel de puissants, chacun défendant bec et ongles son pré carré, ou une véritable Union, porteuse d’un idéal qui transcende les Etats, voire les nations ? C’est bien toute la question qui reste posée et que la chute du mur ne nous a pas aidés à résoudre !

Les Commentaires ( 10 )

  1. de Battling
    posté le 19 sept 2009

    Il y a une tout autre analyse politique de la chute du mur.

    Le formidable espoir né avec la chute du mur nous faisait entrevoir l’avenir à l’Ouest. L’espèrance était là en 89, elle semblait naturelle et légitime. Une caricature de la position : « celui qui gagne c’est celui qui est vivant à la fin ». La chute de l’idéologie mise en partique par Marx et Engels se finissait à Berlin Est et commençait à Berlin Ouest. A l’ouest, pour une fois du nouveau. Espoir palpitant d’un monde qui tiendrait des promesses tant démocratiques qu’économiques. Trés vite, la perception d’un cortège d’incompréhension entre le peuple de l’est qui imaginait une société capitaliste « idéale » et où les « porcs de l’ouest » ne voyaient dans l’ouverture des démocratie que celles des marches.

    En 2001, l’espoir à l’Ouest s’est étient. Deux murs, autres symboles de puissance, s’effondraient aux mêmes moments : les Twin Towers et dans leur ombre la finance anglo saxonne de la toute confiance dans le marché. L’espoir mourrait une deuxième fois.

    On revenait sur la plus vieille fracture de l’humanité, moins l’ouest contre l’est que le Nord contre le Sud. Marx étouffé par par la chute du mur revenait par la grande porte : celle présuposée du « choc des civilisation ». Il reviendra sous d’autres formes, on peut pronostiquer la victoire posthume de Trotsky sur Staline.

    Aujourd’hui plus qu’hier, le monde est angoissant. Les millénaires divisions de l’occident fondé sur les idéologies et les religions se cotérisent lentement. Les pays du Nord lient toujours plus avant leur destin. Et le reste du monde, ce Sud désormais moins bien connu qu’au début du siècle, souvent en guerre, toujours éloigné et oublié, redevient notre nouvelle frontière.

    S’il y a confrontation. C’est dans le regard du Sud sur le Nord qu’il faudra la chercher.

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  2. de Jérôme Manin
    posté le 19 sept 2009

    @Battling. La crétinerie lénifiante de ton commentaire à deux balles n’enlèvera rien à cet article d’Erick que je garde pour ma part en copie, tant il a bien vu le sujet et l’explique clairement.

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  3. posté le 19 sept 2009

    Ah pauvre JM, réduit à la vacuité, comme à l’accoutumée. Il est difficile de poster autant avec si peu d’argument.

    Pour le post d’Erick, encadre le à côté de la photo de Nicolas Sarkozy et celle de Boutin.

    Ta chambre va finir par ressembler à celle d’un éternel puceau sauvage.

    Je peux te donner des programmes du Modem pour ta branlette nocturne..

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  4. de Erna
    posté le 19 sept 2009

    Comme pour toute bonne allemande, Lyon n’est que la route pour la méditerranée, et donc c’est du midi que je vous écris après mon passage à Lyon hier.
    En 1989, j’avais 28 ans et vivais à… Lyon ! J’ai vécue la chute du mur dans d’affreuses douleurs ; pourvu qu’il n’y ait pas de sang. Allemande francophile, j’ai aussi vécue la chute du mur dans le désarroi, mes amis français ne mesuraient pas l’importance de l’évènement, pire, ils s’en méfiaient, tel Mitterrand, consternant, rentrant à l’envers dans l’histoire.
    1989, la chute du mur vue de Lyon : un mauvais souvenir.

    Danke pour l’accueil hier.
    Erna

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  5. de hpg
    posté le 9 nov 2009

    http://minu.me/1au6
    il y a aussi la petite histoire

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  6. de Jérôme Manin
    posté le 9 nov 2009

    On est ravi qu’Erick redonne un coup de neuf a cet article qui a presque deux mois…
    On rappellera quand même que dans tous les exécutifs détenus par les socialistes, les communistes sont encore à l’honneur, il reste donc encore du travail pour que l’esprit qui a construit et entretenu ce mur ne soit plus q’un triste épisode de l’Histoire.

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  7. de JJ BOIS
    posté le 10 nov 2009

    Ayant vécu la construction du Mur,ayant pu mesurer l’ampleur des dégats causés à l’est par le régime communiste et la Stasi,ayant baigné dans cette ambiance de guerre froide agrémentée de l’oppression du peuple de l’est,je ne puis que me réjouir à nouveau lors de cette commemoration du 20eme anniversaire,de la chute du Mur.
    Mais je n’en regrette aussi que plus l’attitude plus que tiède de notre Président de l’époque à cette annonce.
    Peur de modifier les grands équilibres mondiaux disait on!!! A quel prix pour les populations sous le joug?
    C’était un grand écart de plus de notre illustre Président de l’époque,pourtant premier moralisateur des droits de
    l’homme sur terre,et grand navigateur en eaux troubles…pendant la seconde guerre mondiale.

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  8. de charlotte dameron
    posté le 10 nov 2009

    l’Europe est jeune, c’est une enfant parfois turbulente et rebelle.
    laissons lui le temps de grandir en force et en sagesse…
    en 1955 j’étais une enfant de militaire, en Allemagne, mon père m’expliquais
    que nous n’avions pas le droit d’aller de » l’autre côté » et pourquoi…
    en 1985 lors d’un salon à Leipzig, je m’étonnais qu’il faille un visa pour aller
    à Dresde, les deux ville étant à l’est…
    alors la chute du mur fût pour moi un évènement historique majeur et
    jubilatoire!!!
    je suis née en 1950 et élevée dans l’esprit du « plus jamais ça »…
    pour moi l’Europe c’est LA PAIX depuis 64 ans… c’est une réussite essentielle.
    bonne semaine à tous

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  9. de charlotte dameron
    posté le 10 nov 2009

    deux villes avec un S bien sur

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  10. de Martijn
    posté le 13 nov 2009

    J’aime beaucoup ton article sur l’Europe 20 ans après…

    Je suis toujours resté un Européen convaincu. Mais c’est vrai que l’ensemble des Habitants de l’Europe semble soit déçu, effrayé ou désabusé.
    Les Néerlandais ont voté contre le projet de Constitution parce qu’on leur a agité le spectre de l’immigration sous le nez. Les Français parce que personne n’a cherché à comprendre ce texte.
    On veut bien faire l’Europe, mais qu’est-ce qu’on est bien tout seul, sans les Pays de l’Est qui nous coutent cher, sans ceux du Sud qui nous ont couté cher, sans les Anglais qui de toute façon ne font rien comme les autres (ce qui n’est pas faux…).
    D’ailleurs le projet de Constitution lui-même, n’a-t-il pas lui même perdu son essence dans les intérêts nationaux de tous les membres (anciens comme nouveaux) ou dans la recherche d’un compromis quasi impossible à trouver.

    A une extrémité, il y a l’exemple Allemand de la réunification. A l’autre, l’exemple Belge de la désunion complète.
    L’exemple de ce qu’il se passe en Belgique est flagrant. Les Flamands ne veulent plus « payer » pour leurs voisins Wallons plus pauvres, ajoutez à cela une pincée d’idéologie nationaliste (ou linguiste devrais-je dire) et c’est toute la structure d’un pays qui se désagrège. Il leur manque un leader charismatique. Un qui fasse l’unanimité de part et d’autre.
    Au même titre qu’il manque un leader charismatique à l’Europe. Un qui ne serait pas influencé par des intérêts nationaux … Mais arrivera-t-on à en trouver un ?
    Vive l’Europe.

    A bientôt.
    Martijn

      Répondre

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