Bulle médiatique ou renouveau ?

MACRON-MEDIAS

Avec plus de 10 000 participants, le meeting d’Emmanuel Macron samedi dernier a de quoi interpeller la classe politique. C’est en effet plus que François Fillon deux jours avant son triomphe et infiniment plus que cette amusante Belle alliance populaire qui n’a d’alliance et de populaire que le nom ! Alors, Macron, bulle médiatique ou renouveau ?

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JJSS ou VGE ? Lors d’une conversation nocturne à Paris avec des membres de l’équipe Macron, alors ministre sur le départ, je leur avait dit que pour moi, ce serait JJSS ou Giscard. Le mur, faute de combattants, ou la victoire… Force est de constater que le mouvement En Marche prend de l’assurance, au grand dam des partis traditionnels, souvent engoncés dans leurs certitudes et leur monde au logiciel dépassé.

Mais l’affaire n’est pas encore faite. A 5 mois des présidentielles, les Français ne sont pas dans le match et les engagements daujourd’hui ne seront peut être pas ceux de demain. Témoin la poussée de Fillon les derniers jours de la Primaire et sa victoire incontestable dès le premier tour.

Mais le phénomène Macron gêne, à gauche comme à droite. C’est l’empêcheur de tourner en rond avec une stratégie très sarkozyste : animer la campagne et faire que, à gauche comme à droite, chacun se positionne par rapport à ses premières propositions. Et depuis le 5 avril dernier, force est de constater que le pari a plutôt bien pris. Et plus Manuel Valls et les dirigeants PS appellent au « rassemblement », à « l’unité », plus ils soulignent leur faiblesse face à un candidat qui préempte les thèmes de la modernité, du libéralisme à visage humain, du « blairisme » face au « thatchérisme », de l’humanisme face au « coup de menton », comme la presse aime à décrire le combat Macron/Fillon/Valls.

Que lui manque-t-il ? Passer d’une candidature des villes, avec un discours qui passe bien auprès des classes aisées (dans les sondages, 65% de ses soutiens viennent de la droite) à une candidature qui « imprime » aussi dans cette France périphérique, qui souffre et a le sentiment d’être en permanence à la marge. Cette France qui, d’ailleurs, s’est faiblement déplacée à la Primaire de la Droite et du Centre ; cette France qui ne croit plus dans les politiques et qui, pourtant, a besoin d’une espérance ; cette France qui a peur du déclassement et qui vit la mondialisation comme un fardeau, voire un fléau ; cette France qui parfois -souvent- a l’impression -voire la certitude- de n’être ni écoutée, ni comprise.

La clé de la Présidentielle est là. Sarkozy l’avait intégré en 2007 avant de dilapider ce capital. Macron sera-t-il le hérault (héros ?) de cette France ? Il y a encore du boulot… Mais méfions nous du 3e homme, l’histoire récente nous a appris qu’il peut parfois surprendre !

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Droite. Je viens de terminer le bouquin de l’universitaire Guillaume Bernard (qui ne me semble pas vraiment à gauche), « La guerre à droite aura bien lieu ». Il n’est pas question de la guerre des chefs, où l’égo domine, mais bien de la bataille idéologique qui a vu la victoire de Fillon. Pour mémoire, le livre est paru en octobre dernier…

Pour lui, la vie politique s’est organisée pendant deux siècles sur la base du mouvement sinistrogyre : les nouvelles forces politiques sont apparues par la gauche et ont repoussé sur la droite du spectre politique celles qui étaient plus anciennes. Il développe une thèse qui veut que la dynamique se soit inversée à partir des années 1990 : c’est le « mouvement dextrogyre ». C’est désormais par la droite que viennent l’innovation idéologique et la pression politique. « Le débat politique majeur se situe donc au sein du camp classé à droite entre ceux qui défendent une philosophie de l’ordre naturel des choses et ceux qui adhèrent à l’idée du contractualisme social. La guerre à droite aura bien lieu, entre la droite classique qui retrouve ses valeurs et la droite moderne qui est en passe de redevenir la gauche. » Je ne sais si ce chercheur a raison, mais constatons ensemble que la victoire de François Fillon, tout comme dans les années 90 le succès populaire de La Droite de Charles Millon ou plus récemment l’adhésion aux thématiques portées par La manif pour tous, viennent apporter de l’eau au moulin de Guillaume Bernard. Tout comme la tentation (qui n’est pas de Venise) de certaines personnalités du centre droit d’aller vers Macron.

J’ai relu il y a quelques jours la biographie de JJSS, puis Démocratie Française de VGE. Si les époques ne sont pas les mêmes, et les enjeux nationaux et sociétaux bien éloignés, nous étions en fait face au même dilemme : faire comme avant ou changer. Etre « conservateur » ou « progressiste », si tant est que l’on sorte de la simple étiquette pour avancer un projet de société.

A suivre donc, après la décomposition de notre système politique et idéologique, la recomposition est peut être… en marche !

Les Commentaires ( 1 )

  1. de Joseph Mellot
    posté le 12 déc 2016

    Macron a compris que les hommes politiques enfermés dans leurs partis respectifs n’étaient plus crédibles ; il se place très intelligemment au-dessus de ces partis, au-dessus de cette chienlit, pour incarner une véritable révolution du système politique en le transformant en système de gouvernance qui brise toutes les idéologies reçues. Ni droite, ni gauche, c’est tentant; et il faut ajouter ni centre puisque le centre n’existe que par l’existence de la droite et de la gauche.
    Personnellement, je trouve ce concept très attractif, puisqu’il permettrait de prendre beaucoup de hauteur en faisant sauter des clivages gauche-droite qui font perdre beaucoup de temps et d’énergie dans de vains combats que se livrent des politiciens davantage soucieux de tracer leur route à l’intérieur même de ces partis que de servir les intérêts des citoyens.
    Mais, à mon avis, cette ‘UTOPIE’ a très peu de chance de réussir car le système actuel est beaucoup trop verrouillé par ces partis existants, par cette caste d’élus et de hauts serviteurs de l’État qui n’ont absolument pas intérêt à ce que les choses changent. Et, il n’y a aucun doute qu’ils vont tout faire pour tuer le poussin dans l’oeuf, ce qu’ils ont déjà entrepris de faire. Malgré leurs appels du pied répétés, Macron ne les rejoindra pas, et continuera à se battre seul contre tous, car le contraire réduirait à néant son projet, en le rendant esclave de tel ou tel parti.
    A moins que …. à moins que le peuple devant les urnes en décide autrement, et en rupture avec les partis traditionnels, qu’il décide de s’affranchir et de tenter l’aventure.
    Tout va dépendre maintenant du programme que va proposer Macron, car jusqu’à présent, nous ne savons pas grand’chose et son passé politique est quasiment inexistant en matière de réformes convaincantes …

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